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Augustin (fêté le 28 août), évêque d'Hippone, en Afrique du Nord, depuis trente ans, dépose d'un air las la plume et jette un regard rapide sur les feuillets qu'il vient d'écrire. Puis, il se met à réfléchir.

Amen ! Amen ! tels sont les derniers mots qu'il vient de mettre sur le papier, achevant ainsi, en un jour d'automne de 426, le vingt-deuxième et dernier livre de son grand ouvrage La Cité de Dieu. Il y a travaillé durant quatorze ans, malgré la lourde charge que l'épiscopat faisait peser sur ses épaules...

... Augustin prend un livre qui est devant lui sur sa table. Des moines dévoués l'ont transcrit sur parchemin et l'ont solidement relié sous une magnifique couverture. Il l'ouvre à la première page et lit le titre que le copiste a écrit en grosses lettres dorées :

"Confessiones - Confessions de l'évêque Aurelius Augustinus".

Il y a déjà presque trente ans qu'il en a tracé les premières lignes et c'est avec une profonde émotion qu'il lit ces mots :

    "Tu nous as créé pour toi, ô mon Dieu, et notre coeur est inquiet, tant qu'il ne repose pas en toi."

Augustin feuillette pensivement le livre qui s'adresse à Dieu. C'est sous ses yeux, en effet, qu'il étale sa jeunesse, son long voyage à travers la jungle des erreurs, des passions et des péchés, jusqu'à ce que la lumière de la grâce l'ait amené à l'amour de Dieu et à la paix. Des nuages des années depuis longtemps disparues sa vie monte pour paraître devant lui.

... Lorsqu'il vient au monde par une nuit orageuse de novembre en 354, il trouve à son berceau un double héritage. Son père, le païen Patricius, membre de la municipalité, possédait ue petite propriété, impie et ambitieux il était attaché aux biens terrestres de toute son âme. Monique, sa mère, noble et pieuse femme, toute bonté et tout amour, ne pouvait guère s'imposer à côté d'un époux autoritaire (...)

(...) Il mena une vie encore plus désordonnée à Carthage, où, à dis-sept ans, il suivit les cours de l'université.

A la manière des étudiants, il buvait la vie à longs traits, faisait du tapage dans les tavernes, suivait avidement les spectacles au théâtre, qu'on y jouât des tragédies ou des comédies légères, il vidait la coupe des joies vicieuses puisées dans la fange et vivait dans sa chambre d'étudiant avec une mauvaise femme, et à peine âgé de dix-huit ans, il avait eu un fils qu'il avait nommé par une plaisanterie impie "Adeodatus - Donné par Dieu".

Toutefois le jeune Augustin sentait déjà une sorte de déchirement en lui-même. Souvent il était écoeuré par cette existence et cette agitation sans frein et il cherchait pureté et lumière dans les ouvrages des philosophes. La lecture de l'"Hortensius" de Cicéron l'enthousiasma, puis il prêta de nouveau l'oreille aux doctrines manichéennes qui semblaient expliquer merveilleusement son déchirement intérieur. Tout ne devenait-il pas clair, si l'Etre suprême était lui-même divisé en un principe bon et un principe mauvais, si un mauvais esprit avait créé le monde et le corps humain où l'âme, issue du principe bon, habitait comme dans un cachot ? Mais les absurdités que les hérétiques présentaient comme des vérités laissaient vide son coeur assoiffé de bonheur et de lumière, et de nouveau il se jetait avec désespoir dans les bras de la volupté. Son âme saignait dans son ardent désir de la vérité et de la pureté. Augustin sentait le vice peser lourdement sur lui comme une chaîne de fer, mais il n'arrivait pas à la rompre.

Cent fois il cria vers Dieu, le suppliant de le délivrer de ses passions mais il ajoutait aussitôt : Pas maintenant. Pas encore tout de suite Seigneur !"

Augustin se cache la figure dans ses mains, en pensant aux larmes que sa mère versait sui lui et aux paroles que lui avait avait adressées un évêque pour la consoler : "Le fils de tant de larmes ne peut pas périr."

.... C'est à Milan que sonna l'heure de la grâce. Les paroles du grand évêque Ambroise avaient préparé son âme tout autant que les exhortations muettes des yeux de sa mère qui l'avait suivi dans cette ville, avec Adeodatus.

Augustin revoit devant ses yeux cette journée d'été de 386 où il s'était assis dans son jardin, sous un figuier, en proie à une souffrance indicible.
"Seigneur, combien de temps encore vais-je répéter : demain, toujours demain ? Pourquoi ne mets-tu pas un terme à ma honte à cet instant même ?"
C'était alors que s'était fait entendre cette voix qui semblait encore retentir à ses oreilles, cette voix mystérieuse qui disait : "Tolle, lege ! - Prends et lis !" Dans son désarroi, Augustin s'était levé en chancelant, était rentré dans la maison et avait pris le premier livre qui lui était tombé sous la main. Il l'avait ouvert et le hasard ou plutôt la divine Providence avait  voulu qu'il tombât sur ces lignes de l'Epître aux Romains de saint Paul :
"Point d'orgies ni de beuveries, point de luxure ni de débauches, point de querelles ni de jalousies ! Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous inquiétez pas de la chair pour en satisfaire les convoitises."

Voilà le chemin de la vie, balbutia-t-il en laissant tomber le livre. Une lumière merveilleuse inonda son âme. Ses chaînes étaient tombées pour toujours. Augustin avait trouvé la liberté avec son fils Adeodatus qui avait alors quinze ans.

Au cours de la vigile pascale de l'année suivante, il reçut le baptême des mains d'Ambroise, dans une ville de Cassiciacum.

Il résolut alors de regagner l'Afrique. Mais tandis qu'ils attendaient dans le port d'Ostie le navire qui devait les transporter, Monique était tombée malade.

Augustin songeait à cette inoubliable soirée où ils se trouvaient tous les deux sur la terrasse de la maison où ils logeaient près de la plage. La mère et le fils étaient assis l'un à côté de l'autre et se tenaient les mains sans mot dire. Mais leurs pensées suivaient le même chemin. De la beauté de cette terre elles montaient vers les splendeurs du firmament, vers la demeure de Dieu.
"L'oeil n'a pas vu, l'oreille n'a pas entendu, le coeur humain n'a pas saisi ce que Dieu a réservé pour ceux qui l'aiment." Etait-ce sa mère qui avait prononcé ces paroles ou bien étaient-elles sorties de son âme à lui ?

Peu après, la pieuse femme avait fermé les yeux pour toujours, heureuse de savoir son fils sauvé.
Peu après leur arrivée en Afrique, Adeodatus, ce calme adolescent de seize ans, mourut aussi, un sourire sur son beau visage.

(...) en 391, l'évêque d'Hippone l'avait ordonné prêtre et cinq ans plus tard le peuple et le clergé de cette ville l'avaient élu pour évêque. Avec un saint zèle il s'était adonné aux devoirs de sa charge et était devenu le père de ses prêtres, le consolateur et le bienfaiteur des pauvres, le guide spirituel de tout son peuple.
Il avait défendu la pure lumière de la vérité contre l'erreur et les falsifications. Il avait résolument lutté contre la doctrine des Ariens, des Manichéens et des Donatistes qui, depuis un siècle, déchiraient l'Eglise d'Afrique.
(...) Augustin avait ensuite combattu passionnément le moine breton Pélage qui avait propagé son hérésie dans les villes de l'Afrique du Nord, niant la nécessité de la grâce et l'existence du péché originel.... Enfin il s'était tourné contre l'erreur du patriarche de Constantinople, Nestorius, qui niait l'unité de personne en Jésus-Christ et en conséquence regardait comme inadmissible d'appeler Marie, Mère de Dieu.

En vérité, Augustin avait sans cesse rencontré la lutte sur sa route,  mais le dernier et le plus terrible assaut semblait s'annoncer.
Sans aucun doute l'empire romain n'était plus loin de sa fin. Depuis une vingtaine d'années les tribus germaniques des Vandales, des Alains et des Suèves avaient envahi la Gaule, l'avaient pillée et ravagée, puis s'étaient jetées sur l'Espagne. Des navires entiers de réfugiés avaient amené en Afrique de pauvres gens au désespoir qui avaient perdu tout leur avoir. La ville d'Hippone en était envahie...
"Seigneur, gémissait Augustin, aie pitié de ton peuple".
"Toute la ville est en révolution..."
(...) Rome est à l'agonie et sa dernière heure sonnera peut-être bientôt. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Est-ce la faute au christianisme, si les Romains sous l'empire se sont de plus en plus amollis, si les femmes n'ont plus voulu avoir d'enfants et si les hommes n'ont plus voulu combattre ? Depuis plus de cent ans l'empire fait la guerre avec des légions formées de Germains, de Gaulois et d'Illyriens, mais où font défaut les Romains eux-mêmes. Les paysans ruinés par une politique fiscale insensée ont perdu leurs terres et sont devenus des colons. La plèbe dans les villes a désappris le travail honnête et les esclaves se sont enfuis. Est-ce la faute au christianisme ?

- Certnainement pas, vénérable père (répond un diacre présent). Mais les discours des païens troublent nos gens et il y a même des chrétiens qui se demandent comment Dieu peut permettre que tant de désastres s'abattent sur les peuples, en particulier que Rome soit dévastée, la ville où reposent les restes des apôtres et d'innombrables martyrs."

Augustin met la main sur les feuilles de papyrus qui couvrent la table.

"C'est pour répondre à toutes ces questions et à beaucoup d'autres que j'ai écrit ce livre sur la Cité de Dieu. Dieu laisse périr ce qui est mûr pour la ruine, et Rome est mûre, parce quelle a oublié la justice. Quand il n'y a pas de justice, que sont les Etats, sinon des bandes de brigands ? Les royaumes de ce monde passeront, quand leur heure sera venue. Mais le royaume de Dieu est éternel. Le monde vieillit, mais la Cité de Dieu demeure éternellement jeune, elle ressuscite de ses cendre comme le phénix et se renouvelle comme le jeunesse de l'aigle. La Cité de Dieu est un livre qui enseigne l'espérance et la confiance au bord de l'abîme. Crois-moi, mon cher fils, le chrétien n'a jamais motif de désespérer, même si le monde autour de lui est en flammes.

- Je te remercie, père. Tes paroles m'ont comblé."

extrait de Histoire du Royaume de Dieu du Père Hunermann.

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Bienheureuses larmes de Sainte Monique qui nous ont valu un tel père de l'Eglise !

Ne désespérons pas que nos larmes et nos prières qui accompagnent notre Saint Père exilé et souffrant, le Pape Paul VI, gagneront bientôt sa délivrance.



St-Augustin-et-Ste-Monique.jpg

Tag(s) : #Ouvrages - Presse
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